Histoire
Au fil de l'eau : histoire et beauté le long de la mer intérieure de Setouchi

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- DERNIÈRE MISE À JOUR
- 04 Mars, 2025
Des marins antiques aux écrivains modernes, la mer intérieure de Seto a inspiré des millions de visiteurs qui ont traversé ses eaux calmes. Elle est peut-être mieux décrite comme une immense baie plutôt qu'une mer, avec des eaux souvent paisibles et des marées changeantes qui transportent aussi bien les navires que les produits de la mer, venant d'ici et d'ailleurs. Grâce à son accessibilité et à sa beauté, Setouchi fascine depuis des siècles, tissant au fil du temps une histoire riche et variée, intimement liée aux eaux de la mer intérieure.
Setouchi regorge de sites où l’on peut plonger dans son riche passé maritime. Pour débuter votre exploration, voici sept lieux fascinants qui témoignent de son histoire.
Flânerie à Sakoshi, une ville portuaire classée au patrimoine japonais
Avant l’essor des trains et des autoroutes, le commerce au Japon reposait principalement sur la navigation. Durant l’époque d’Edo ainsi que l’ère Meiji (du XVIIe au XIXe siècle environ), les navires marchands Kitamae-bune longeaient les côtes, faisant escale pour acheter et vendre des marchandises. C’est durant cette période que Sakoshi connut son apogée, bénéficiant de son emplacement privilégié sur la mer intérieure de la préfecture de Hyogo. Son rôle clé en tant que port d’escale pour les voiliers lui a valu d’être classée site du patrimoine japonais. Aujourd’hui encore, de nombreux bâtiments d’époque témoignent de son riche passé maritime.
La plupart de ces bâtiments historiques bordent la route principale Dai-do, qui s’étend sur environ 500 mètres, du port jusqu’à la rivière Chikusa. Pour bien commencer votre visite, faites un arrêt au musée Sakoshi Machinamikan, où sont exposés des outils anciens, des objets du quotidien et des documents retraçant l’histoire de Sakoshi en tant que ville portuaire florissante. Non loin de là, la brasserie de saké Okuto, en activité depuis près de 400 ans, abrite un musée gratuit dédié à l’histoire du brassage et de la distribution du saké à travers les âges.
Le long de la Dai-do, ne manquez pas Tenmasen, une boutique incontournable pour déguster les huîtres, un mets d’hiver emblématique de la mer intérieure de Seto. Hors saison, laissez-vous tenter par de savoureux crackers aux huîtres. Vous y trouverez également une belle sélection de souvenirs locaux à emporter.
Après avoir flâné dans la ville, empruntez le sentier menant au sanctuaire Osake, perché sur une colline, pour admirer une vue imprenable sur la baie de Sakoshi et ses environs. Ici, le lien entre la mer et le spirituel se dévoile à travers les ema, ces plaques votives en bois qui sont illustrées de navires marchands et de festivités locales, témoins d’un riche passé maritime. Si vous avez l’endurance nécessaire, poursuivez l’ascension jusqu’au temple Myokenji. Depuis ses hauteurs, le panorama sur la baie de Sakoshi et les îles de la mer intérieure de Seto est encore plus spectaculaire.
À vélo à Ushimado, le long de la « mer Égée du Japon »
Aujourd’hui paisible, la ville côtière d’Ushimado dans la préfecture d’Okayama fut pourtant un centre stratégique du commerce maritime, tant national qu’international, durant l’époque d’Edo (1603-1868). Son paysage côtier époustouflant et son climat doux lui ont valu le surnom de « mer Égée du Japon », avec en prime de charmants jardins d’oliviers. Autrefois, Ushimado était aussi une escale incontournable pour les ambassades coréennes envoyées auprès du shogun.
Le beau temps et les vues magnifiques font d'Ushimado un lieu idéal pour une exploration à vélo. Louez une bicyclette au centre d’information touristique près du port, puis prenez la direction du sanctuaire Ushimado, qui offre une vue spectaculaire sur la ville et la mer environnante. De là, continuez votre balade jusqu’à Ushimado Olive Garden, le plus grand producteur d’huile d’olive du Japon. Ce jardin d’oliviers abrite en effet 10 000 arbres cultivés avec soin sur les pentes aménagées au-dessus de la ville.
En vous promenant dans les rues d’Ushimado, vous découvrirez le musée culturel Kaiyu, qui dévoile l’histoire fascinante de la ville. L’un de ses trésors est le Mifune Danjiri, un char richement décoré, utilisé lors de festivals et classé Bien culturel important du Japon. Ce char et d’autres similaires sont parfois utilisés lors du festival d’automne du sanctuaire Ushimado, une fête qui célèbre les liens historiques entre la ville et les envoyés coréens venus ici en route pour saluer le shogun.
Alors que le soleil se couche sur la mer intérieure de Seto, laissez-vous aller à la détente en savourant les couleurs époustouflantes, la douce brise et les sons apaisants de cette ville côtière.
Vues spectaculaires sur la mer depuis le site d’une bataille historique à Yamaguchi
La guerre de Genpei du XIIe siècle, un conflit civil de cinq ans entre les clans Minamoto (Genji) et Taira (Heike) qui a engendré de nombreuses batailles à travers l’archipel, demeure aujourd’hui la source de nombreuses légendes et récits. C’est dans le détroit de Kanmon, à Yamaguchi, que cette guerre a pris fin, lorsque la flotte des Minamoto a triomphé de la flotte supérieure et plus expérimentée des Taira.
En effet, la marée capricieuse, qui avait d’abord favorisé les Taira, se renversa en plein affrontement. En outre, les Minamoto furent aidés par la défection en plein combat du général Taira, Taguchi Shigeyoshi, qui lança une attaque surprise contre la flotte Taira par l’arrière. Conscients de la tournure défavorable de la bataille, de nombreux guerriers Taira choisirent de se suicider, préférant la mort au déshonneur d’une défaite.
Le parc Mimosusogawa s'étend le long des rives du détroit, sous l'imposant pont Kanmon qui relie Honshu à Kyushu. Pour commémorer la bataille qui s'est déroulée dans ces eaux, deux statues des clans Minamoto et Taira se font face, figées dans un affrontement éternel. Un autre monument se trouve à proximité, composé de répliques des canons utilisés par les Choshu lors d’une bataille qui marqua la fin du shogunat Tokugawa. Ces symboles soulignent l'importance historique de ce lieu, témoin de deux batailles décisives qui ont été des tournants majeurs dans l’histoire du Japon.
Les marées du temps à Tomonoura
Tout comme les marées, le temps a façonné le destin de la ville portuaire historique de Tomonoura. Située au cœur de la mer intérieure de Seto, là où les courants de marée est et ouest se rencontrent sur la côte de la préfecture de Hiroshima, cette ville offrait un refuge naturel aux navires longeant la côte du Japon, leur permettant d’attendre le changement de marée. Grâce à cette position stratégique, Tomonoura prospéra en tant que ville marchande et, avec le soutien du shogunat Tokugawa, elle s’assura le monopole du marché du Homeishu, une liqueur médicinale de l’époque d’Edo.
Cependant, les avancées technologiques en matière de transport à la fin du XIXe siècle ont marqué le déclin de Tomonoura en tant que port commercial. À la fin du siècle, la ville traversait une période difficile. Même son lien avec Ryoma Sakamoto, célèbre samouraï qui a joué un rôle clé dans la modernisation du Japon, ne suffit pas à convaincre le gouvernement de préserver la ville.
Mais le vent tourna soudainement en faveur de Tomonoura lorsque Hayao Miyazaki, réalisateur et animateur du Studio Ghibli, s’en inspira pour son film d’animation à succès, Ponyo sur la falaise. Le succès du film et l’engagement de Miyazaki en faveur de la ville attirèrent un flot continu de touristes, redonnant vie aux petits commerces et renforçant les efforts pour préserver Tomonoura.
Aujourd’hui, la ville est un joyau culturel, conservant des éléments uniques de l’histoire japonaise. L’ancienne brasserie Homeishu, autrefois en faillite, fut rachetée par la famille de marchands Ota, qui investit plusieurs centaines de millions de yens pour restaurer et préserver le site. Grâce à leur engagement, le public peut désormais découvrir tout le processus de fabrication et de distribution du Homeishu.
Lorsque le monopole du Homeishu prit fin, de nombreuses petites brasseries de Tomonoura commencèrent à produire cette liqueur. Aujourd’hui, quatre d’entre elles perpétuent encore la tradition. Comme elle est fabriquée à base de mirin sucré et d’un mélange d’herbes japonaises et chinoises, son goût a des notes médicinales sans être trop prononcé. Le propriétaire de l’une des boutiques explique qu’avec de l’eau gazeuse, la boisson s’apparente à un cola artisanal alcoolisé, tout en offrant des bienfaits pour la santé.
Le front de mer de Tomonoura regorge de vestiges historiques. Les marches Gangi, qui permettent aux bateaux d’accoster et de charger ou décharger leurs marchandises quelle que soit la marée, bordent le port. C’est le plus bel exemple préservé de cette architecture au Japon. À l’angle du port, la lanterne Joyato, en forme de phare Torodo, veille sur la ville et éclaire la nuit, aussi bien pour les marins que pour les passants. Tout autour, le brise-lames en pierre, utilisé pour l’amarrage des bateaux et la pêche, est toujours celui construit à l’époque d’Edo.
Tomonoura est parsemée de nombreux temples, souvent perchés sur les collines, offrant des vues imprenables sur la mer. Parmi eux, le pavillon Taichoro du temple Fukuzenji se distingue tout particulièrement. Ce bâtiment emblématique fut construit spécialement pour accueillir les envoyés coréens venus présenter leurs respects au nouveau shogun. En 1711, l’un de ces envoyés loua la vue depuis Taichoro, la qualifiant de « plus beau paysage de la région à l’est de la Corée ». Il suffit d’admirer, à travers ses fenêtres, Bentenjima et les paysages environnants pour partager son émerveillement.
Les symboles de prestige ignifuges du quartier Udatsu à Mima
Loin des côtes de la mer intérieure de Seto, mais bien relié par le vaste fleuve Yoshino, un quartier de Mima, dans la préfecture de Tokushima, témoigne encore aujourd’hui d’une époque où richesse et prestige s’exprimaient à travers l’architecture.
Autrefois connu sous le nom de Wakimachi, ce quartier faisait partie de la ville-château de Waki, qui s’occupait des plus grands centres de distribution japonais de aizome, la teinture à l’indigo. À l’époque, l’indigo était un matériau précieux au Japon : reconnu pour ses propriétés ignifuges et sa capacité à repousser serpents et insectes, il était notamment utilisé pour les uniformes des pompiers et les armures des samouraïs.
L’essor de l’industrie de la teinture à l’indigo a fait la richesse de nombreux marchands de Wakimachi. Pour protéger leurs maisons et boutiques, ils y ont ajouté des éléments architecturaux onéreux appelés udatsu : des murs en plâtre conçus pour empêcher la propagation des incendies en cas de feu dans un bâtiment voisin. Avec l’accroissement de leur fortune, les marchands ont rivalisé en construisant des udatsu toujours plus grands et ornés, affichant ainsi leur prospérité de manière subtile. Aujourd’hui encore, ces structures emblématiques sont nombreuses à Wakimachi, donnant au quartier un charme unique parmi les villes historiques de l’époque d’Edo.
L'ancienne résidence de la famille Yoshida est un magnifique témoignage de la prospérité des marchands d’indigo de Wakimachi. Construite en 1792, elle compte parmi les demeures les mieux préservées et restaurées du quartier Udatsu.
Le domaine s’organise autour d’une cour et comprend cinq bâtiments : la maison principale, deux greniers, un entrepôt dédié à la teinture à l’indigo et une maison annexe. Classée Bien culturel tangible du Japon, elle a fait l’objet d’une restauration d’envergure en 2001, lui redonnant tout son éclat d’antan. On y découvre des escaliers en bois poli, des poutres apparentes, des sculptures finement travaillées, ainsi que du mobilier d’époque et divers objets artisanaux.
Juste à côté de l’ancienne résidence de la famille Yoshida, vous trouverez le Michi no Eki Ai-land Udatsu, un petit bâtiment de deux étages où l’on vend des produits locaux et où l’on peut aussi prendre un déjeuner léger. Les Michi no Eki sont des aires de repos populaires au Japon, idéales pour faire une pause et, souvent, manger sur le pouce.
Si vous ratez le déjeuner à Michi no Eki, le Udatsu Sabo, un café tout proche, propose une cuisine faite à partir de riz et d’ingrédients de Mima, ainsi que de produits majoritairement issus de la préfecture de Tokushima.
À l’extrémité est de la rue principale d'Udatsu se trouve le véritable trésor de Wakimachi : le théâtre de Wakimachi. Aussi appelé Odeon-za, ce théâtre a été construit en 1934 pour accueillir des spectacles de kabuki et autres performances, avant de devenir une salle de théâtre et de cinéma après la Seconde Guerre mondiale. Ne vous laissez pas tromper par sa façade de style occidental ; à l’intérieur, il est aménagé comme un théâtre traditionnel de kabuki, avec des sièges en tatami et une scène tournante. Il ne reste plus que quelques théâtres de kabuki traditionnels au Japon, ce qui fait de cet endroit un passage obligé pour les visiteurs de Wakimachi.
Sur la mer, le grandiose château de Takamatsu
Le donjon du château de Takamatsu n’existe plus aujourd’hui, mais avec un peu d’imagination, on peut encore se représenter la splendeur de ce château unique, construit directement sur la mer. Ses imposants murs de pierre, ses tourelles de garde et ses portes renforcées délimitent toujours ce qui était autrefois un château redoutable, érigé en 1590 par le clan Ikoma, avant que le shogunat Tokugawa ne le transmette au clan Matsudaira, des parents proches.
La plateforme d’observation, perchée sur les ruines du donjon, offre la meilleure vue sur l’agencement original du château. Ce qui frappe particulièrement depuis cet endroit, c’est le pont en bois qui relie le cœur du château à son enceinte protectrice. Avec ses colonnes renforcées et son toit, ce pont symbolique nous transporte dans le temps, directement au centre du pouvoir qu’était le donjon. Le palais Hiunkaku, qui servait de villa à la famille régnante et fut construit pendant la période Taisho (après la chute du château), n’est ouvert que lors d’événements spéciaux, mais on peut apercevoir l’intérieur grâce à ses murs extérieurs transparents. La porte Sakuragomon, récemment restaurée, avec ses ouvertures en bois, qui vous invitent vers l’enceinte du château, marque une autre traversée symbolique et constitue un majestueux témoignage de l’engagement de la ville de Takamatsu à préserver les parties emblématiques de sa forteresse jadis puissante.
Une balade en bateau sur les douves intérieures vous permet d’obtenir une vue imprenable sur les terres du château. En prime, un gondolier coiffé d’un chapeau de paille vous aide à imaginer les détails du donjon disparu, à l’aide d’un éventail illustré placé au-dessus des ruines. En glissant sur l’eau de mer des douves, gardez l’œil ouvert pour observer les deux espèces de tai (dorades) marines qui y vivent, remplaçant les koi d’eau douce que l’on trouve généralement dans les douves de château.
Vivez les marées à Noshima Suigun
Parler de l'impact des marées sur la mer intérieure de Seto, c’est une chose, mais les vivre, c’en est une autre. Pour ressentir la puissance des marées en naviguant autour des magnifiques îles de Setouchi, faites une halte sur l'île d'Oshima, l’une des étapes de la route du Shimanami Kaido reliant les préfectures d’Ehime et de Hiroshima. Depuis le terminal de ferry de Noshima, des petites embarcations vous emmènent faire le tour des îles Noshima et Taizaki, où la topographie des détroits crée un tourbillon fascinant de marées qui s'affrontent.
Les marées sont un véritable atout pour les pêcheurs, attirant une grande variété de poissons et autres créatures marines à portée de leurs lignes et de leurs filets. Mais elles représentent aussi un danger constant : la force des marées peut faire percuter les petites embarcations contre les rochers si les pilotes ne sont pas expérimentés. Par le passé, un groupe local, les pirates Murakami, maîtrisait si bien les marées qu'ils extorquaient des péages aux navires qu’ils guidaient à travers ces eaux dangereuses. Heureusement, les pilotes des bateaux de tourisme sont très expérimentés et vous emmèneront au cœur des marées puissantes pour que vous puissiez ressentir leur force de près. Lors de journées ou périodes de marées particulièrement fortes, vous pourrez même observer des tourbillons se former et disparaître autour de vous, tout en ressentant la pression du courant contre les moteurs du bateau.
Outre l’eau, les paysages sauvages des îles et le pont Hakata-Oshima, qui fait partie du Shimanami Kaido, ajoutent à la beauté de cette croisière d’environ 40 minutes. Mais c’est incontestablement l’expérience des marées qui constitue l’apogée de cette expérience et qui vous permettra de vraiment comprendre la puissance de la mer intérieure de Seto.
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Hyogo
La préfecture de Hyogo se trouve approximativement au centre de l’archipel du Japon. Elle possède le port de Kobe qui joue un rôle important comme porte d’entrée du Japon. Elle est également dotée de nombreux sites touristiques comme le Château de Himeji, classé patrimoine mondial par l’UNESCO et plusieurs régions de sources chaudes onsen. Le boeuf de Kobe, une des trois grandes marques de boeuf japonais wagyu, est un de ses délices.
