Art & Culture

Hiroshima MOCA – Le premier musée public d'Art contemporain au Japon

Hiroshima MOCA – Le premier musée public d'Art contemporain au Japon

« L’histoire de Hiroshima est vierge », affirme Akiko Goto, chargée des relations publiques au musée d’Art contemporain de la ville (le Hiroshima MOCA). « Parce que nous avons tout perdu au moment du bombardement, nous ne pouvons qu’être tourné vers l’avenir. Et quelle meilleure manière de l’envisager que l’art ? »

L'entrée torturée du musée d'art contemporain de Hiroshima fait exactement face au point d'explosion de la bombe.

The Arch de Henry Moore est également dressée dans l'axe.

Un point de vue devant le musée invite à contempler la ville reconstruite.

Le MOCA rassemble une impressionnante collection de travaux liés à la bombe atomique.

Visiter le MOCA permet une immersion dans l'art contemporain.

Les événements organisés par le MOCA sont pensés pour éduquer les habitants de Hiroshima à l'art contemporain.

Le café du musée sert tout un ensemble d'entrées et de desserts.

La bibliothèque du manga de Hiroshima, à proximité, est une bonne occasion d'explorer une facette populaire de la culture japonaise.

La plupart des visiteurs rallient le MOCA avec le Mapuru-pu (Maple Loop) Bus, qui s’arrête toutes les heures au niveau de l’arrêt Hijiyama, la colline boisée sur laquelle se trouve le musée. L’option est particulièrement pratique pour ceux qui veulent également découvrir la bibliothèque du manga de Hiroshima, la seule du genre au Japon, car le bus s’arrête à mi-chemin entre celle-ci et le musée.

Cependant, je m’en approche plus tranquillement depuis le centre commercial Aeon au nord de Hijiyama, accessible avec le bus #4, ou à pied de la gare de Hiroshima, ce qui me permet d’utiliser les escalators.

De plus, l’approche nord me permet de découvrir le musée depuis la verdure de Hijiyama. De nombreuses sculptures s’y cachent, certaines liées au bombardement, me permettant de commencer la visite avant même d’atteindre le lobby. Le cocktail parfait entre art et nature.

En plus de promouvoir les travaux artistiques contemporains, dans des secteurs émergents, le musée d’art contemporain de Hiroshima possède la plus grande collection liée à la ville – ce qui n’est pas si étonnant. Les expositions temporaires changent avec les saisons, et les expositions permanentes sont renouvelées chaque année, ce qui permet au musée d’offrir un large panel d’œuvres contemporaines et d’étonner à chaque visite.

Alors que je m’approche du bâtiment, une sculpture en particulier attire mon attention – une espèce de portail en bronze en bas des marches devant l’entrée, marquant le point de vue qui domine la ville. L’ensemble dégage une finalité intrigante, et je me promets de m’y attarder en sortant.

En fait, le point de vue est aligné avec le point d’explosion de la bombe, et devait s’intégrer dans un projet plus important de muséographie, également lié à l’histoire, mais abandonné par manque de fond.

Mais même sans le musée d’histoire, le MOCA réussit pleinement à représenter les aléas de l’histoire. Dessiné par Kisho Kurokawa, le musée est assis sur des fondations de pierre, au-dessus desquelles s’élèvent des tuiles puis de l’aluminium, ainsi que des éléments issus des architectures japonaises et occidentales. Le résultat est un bâtiment qui personnifie le dépassement des nations, suivant le cours du temps.

Dans le même temps, il est étonnamment difficile d’en avoir une vue d’ensemble, avant de se trouver devant l’entrée.

« Kurokawa ne voulait pas défigurer le paysage en imposant une grande structure, donc il construit en creusant dans la colline. »

Étant le premier musée d’art contemporain ouvert au Japon, en 1989, et toujours l’un des quatre seul du pays, le MOCA de Hiroshima tient un rôle à part sur la scène artistique nationale.

« Car il y a tellement d’arts traditionnels au Japon, la plupart des Japonais ne sont pas particulièrement connaisseurs d’art contemporain, continue Goto. Nous organisons donc des ateliers, ici au musée, et menons des actions dans les écoles de la région. »

Mais leurs efforts pour promouvoir l’art contemporain ne sont pas confinés à Hiroshima, ni même au Japon. Le MOCA montre aussi les travaux des gagnants du Hiroshima Art Prize, que la ville décerne tous les trois ans aux artistes dont le travail promeut « l’esprit de Hiroshima ».

Mais vous allez me demander : qu’est-ce que « l’esprit de Hiroshima » ?

« Bien sûr, il implique un désir pour la paix mondiale et l’abolition des armes nucléaires, détaille Goto, mais cela va plus loin. Nous recherchons aussi des candidats qui, à travers leur art, défient les discriminations, la pauvreté, et ainsi de suite, car ce sont les inégalités qui créent les conflits puis la guerre. »

L’art de la dernière lauréate du Hiroshima Art Prize, Mona Hatoum, est intimement lié à son expérience de palestinienne née dans une famille déracinée, à la souffrance de l’exil – des sujets très connectés à « l’esprit de Hiroshima ».

Après avoir parcouru les deux galeries et la salle de projection, je me dirige vers le café pour grignoter un petit quelque chose. Avec une sélection de sandwich frais, de currys chauds, de café et de thé, le MOCA est définitivement parfait pour satisfaire les fringales, artistiques ou culinaires.

Devant le déjeuner, je prends le temps de repenser aux œuvres que je viens de parcourir.

Du côté du parc de la Paix, du dôme de la Bombe atomique ou du musée du mémorial de la Paix, il est possible de frôler l’horreur de la bombe, physiquement. Mais l’art nous montre quelque chose de plus profond. Le MOCA magnifie ce qui est arrivé tout en étant orienté vers le futur, ce qui permet de s’immerger différemment dans l’histoire récente de Hiroshima.

« Alors que le nombre de hibakusha, les survivants de la bombe, diminue, le rôle de l’art, et donc la responsabilité du musée dans la mémoire grandit, décrit Goto. Nous voulons montrer à tous ce que l’art peut accomplir à Hiroshima. »

Je me dirige finalement dehors, vers l’immense portail de bronze et une statue de Henry Moore, logiquement nommée The Arch et menant à un superbe point de vue.

En scrutant la métropole, je me force à imaginer le champ de ruines sur lequel la ville s’est redressée, et me demande combien d’artistes par le monde continuent de porter la voix de « l’esprit de Hiroshima ». Mais il ne faut pas être trop étonné de voir désormais la ville moderne et ses nombreuses tours.

Car après tout, la nature déteste le vide – comme l’art n’aime pas les toiles blanches.

Textes de Peter Chordas et photographies de Peter Chordas et du MOCA

DESTINATION LIÉE

Hiroshima

Hiroshima est la ville centrale des régions de Chugoku. La préfecture de Hiroshima est dotée du Sanctuaire Itsukushima-jinja, avec son élégant portique torii se dressant dans la mer ; du Dôme de la bombe atomique qui transmet l’importance de la paix et de nombreuses autres attractions qui méritent le détour. Elle compte également des objets d’artisanat célèbres dans le monde entier, comme les pinceaux de Kumano.