Le résultat est un mariage parfait. Tout ce que réserve un ryokan traditionnel, avec le plus fin de la construction marine, et des chambres superbes adaptées pour le bateau. Quel que soit l’angle sous lequel vous le preniez, un séjour sur le Guntû sera plus qu’agréable. Avec dix-neuf chambres doubles, 38 passagers au maximum peuvent y loger. Juste ce qu’il faut pour avoir la chance de bavarder tranquillement, mais sans se sentir oppressé. Bien sûr, les chambres sont tellement luxueuses et bien décorées que personne ne vous reprochera de ne pas quitter votre cabine.

Je n’ai pas dû me forcer pour découvrir la « Grand Suite », une pièce spacieuse d’environ 80m², toute de bois poli et de décorations raffinées. Une chambre superbe mais je ne savais pas encore ce qui m’attendait. Le lit extrêmement confortable fait face à une baie vitrée donnant directement sur la mer intérieure de Seto et, à ma grande surprise, une bain chaud généreux occupe également un coin de la pièce.

Dans cette chambre, comme dans toutes les autres, la vue sur l’étendue d’eau et les îles est parfaite. En fait, elle est même plus qu’une simple vue parfaite, car elle change constamment. Le Guntû ne quitte pas la mer intérieure de Seto, et sa relative petite taille lui permet de s’aventurer dans des eaux où les autres navires de croisière ne s’aventurent pas.

En passant des détroits resserrés, les passagers ont une vue directe sur la vie quotidienne des îles, suivant un rythme aussi tranquille. Attendez-vous à voir leurs habitants vous faire signe, ils sont nombreux à reconnaître le Guntû. Le navire n’a pas une couleur habituelle pour un bateau de croisière, avec un gris argenté sur lequel se reflète le soleil, l’eau et les lumières de Setouchi, l’intégrant finalement très bien au paysage. Par exemple, avec le soleil couchant, le Guntû se pare des couleurs du ciel flamboyant.

Une façon inédite de redécouvrir ce spectacle quotidien. À chaque étape de notre visite du navire, nous avons eu l’occasion d’en apprendre plus sur les techniques et les artisanats à l’origine de chaque détail du design. De plusieurs façons, il est une vitrine de ce que Setouchi a de meilleur à offrir. Les tables et les chaises sont la création de maîtres artisans, et chaque objet, des coussins aux serviettes, a une histoire à raconter. « Le toit est délibérément formé de façon à rester en harmonie avec les bâtiments du littoral », continue notre guide. En fait, toutes les fenêtres et les plafonds sont pensés pour accentuer la vue, en étant le meilleur encadrement possible pour admirer le paysage changeant. Naviguer sur le Guntû contraint rapidement à garder sa caméra à portée de main.

La fusion élégante de l’hôtel et du bateau s’opère de différentes manières. Du côté des escaliers à colimaçon d’un blanc éclatant, des bains adaptés à la navigation, et de tous ces chefs-d’œuvre de confort terrestre qui sont installés à bord. J’ai été particulièrement frappé par l’engawa du pont supérieur, ce palier entourant habituellement les maisons traditionnelles, servant de tampon entre l’espace intérieur et le jardin. La déclinaison du Guntû est une plateforme surélevée qui permet de s’isoler du pont et de porter le regard sur l’horizon changeant en sirotant un thé vert matcha frais. Une expérience japonaise par excellence. Le thé vert tient une place importante sur le navire. Tous les membres d’équipages ont été formé à la cérémonie du thé et peuvent la mener à tous moments.

L’équipement et le thé nécessaires sont présents dans toutes les chambres. Apprécier la cérémonie depuis le lit est une relecture moderne et relaxante de la tradition. Rapidement, nous nous sommes retrouvés dans le lounge du navire, un grand espace ouvert et brillant avec des portes coulissantes shoji séparant le raffinement de notre espace intérieur de la mer parfaitement encadrée. Nous observons un maître en confiserie traditionnelle créer sous nos yeux des douceurs wagashi. Un talent reconnu et exceptionnel qu’il est même rare d’observer d’aussi près. Je me pose maintenant des questions sur les petites pâtisseries japonaises en forme de crabe qui se trouvent dans mon assiette. Ce sont des rakugan, pressées pour avoir la forme d’un guntu, un petit crabe de la mer intérieure de Seto, qui se retrouve parfois dans les soupes miso familiales de la région.

Ainsi, même en choisissant leur nom, les créateurs du Guntû ont donné la priorité à l’ancrage local. Cela ne vous étonnera pas, mais un seul coup d’œil au menu vous permettra de confirmer la provenance locale des aliments, avec les douceurs de la mer intérieure de Seto en bonne place et sous toutes les formes. Préparés à la demande par le chef du Sushi Bar, ou minutieusement mitonnés par les chefs de la cuisine, les repas sont des fêtes délicieuses à déguster en appréciant la vue sur la mer depuis le restaurant. Entre ce paysage élégant, la nourriture, les boissons savoureuses, et les chambres raffinés, j’en suis rendu à me demander comment peut-on quitter le Guntû sans y être obligé.

Pour ceux qui doivent quand même débarquer, l’équipage est également à même de suggérer des activités à faire sur la terre ferme. Se lever avec le soleil pour une promenade matinale sur une île déserte, assister au réveil d’un village de pêcheurs, ou simplement visiter les incontournables comme Miyajima, la croisière rend accessible tout un ensemble d’expériences. Avec le luxe à bord et l’aventure au bout du quai, la croisière se révèle être l’une des options de voyage les plus plaisantes que j’ai eu l’occasion d’expérimenter. J’ai donc décidé d’économiser un café par jour, pour avoir la chance de remonter sur le Guntû.

Texte de Steve Jarvis et photographies de Peter Chordas et de Setouchi Cruise (Tetsuya Ito Courtesy)