Histoire

Tomonoura – Le bon temps où il fallait attendre la marée

Tomonoura – Le bon temps où il fallait attendre la marée

L’histoire de la mer intérieure de Seto est fascinante. Dans un système féodal tout en hiérarchies rigides et fermé au monde extérieur, Setouchi était le cœur vibrant du commerce, des échanges et des flux d’idées et de voyageurs.

Le phare de Tomonoura a accueilli pendant des siècles les voyageurs.

Le temple millénaire Fukuzen-ji possède l'un des meilleurs panoramas marins du Japon.

La vue depuis la Tomo Taichoro Guesthouse du temple Fukuzen-ji est inspirante.

Beauté et adaptabilité pour les pièces de réception traditionnelles de la résidence Ota.

Des cuves utilisées pour la production de l'alcool fortifiant houmeishu.

Une réplique du Iroha Maru, le navire utilisé par le révolutionnaire Sakamoto Ryoma, sert de ferry entre Tomonoura et l'île de Sensuijima.

Les salons de thé dont l'histoire est plusieurs fois centenaire sont nombreux à Tomonoura.

Cependant, la nature dans la mer de Seto, avec ses grandes marées, forçait une bonne partie de l’action à se dérouler sur terre, en attendant que la mer soit propice à la navigation. Bienvenu dans les petits ports de la mer intérieure, dont le plus célèbre est Tomonoura, à 20 kilomètres de Fukuyama, la deuxième grande ville de la préfecture de Hiroshima.

La cité portuaire est le meilleur exemple actuel d’un port d’Edo, telle qu’il fonctionnait à l’époque, avec plus de 80 bâtiments qui remontent au XVIIe siècle. S’y balader revient à voyager dans le temps, mais avec un air familier.

Mon guide du jour s’en amuse. « Vous reconnaissez la vue ? », me demande-t-il avant de m’expliquer que la petite ville a servi d’inspiration pour le film d’animation de Hayao Miyazaki, Ponyo sur la falaise. « Ou vous l’avez peut-être déjà vue dans le Wolverine ? » Pas encore, mais j’y ferai attention.

Mère Nature s’est particulièrement appliquée à Tomonoura, le port offrant un abri confortable au point de convergence de plusieurs courants de la mer intérieure. Donc le shiomachi no minato parfait, littéralement un port où attendre la marée. À son âge d’or, les vies d’environ 7000 personnes dépendaient des flots. Le port était éveillé 24 heures sur 24, attirant à la fois les diplomates et les pirates, et tout ce qui se trouvait entre.

Nous nous dirigeons vers notre première destination, le temple Fukuzen-ji, un site âgé de 1000 ans dont dépend la Tomo Taichoro Guesthouse, un bâtiment annexe qui possède une vue emblématique sur le détroit qui sépare Tomonoura de plusieurs petites îles.

Et il ne s’agit pas de n’importe quelle vue sur mer. Avec un jardin au premier plan, vos yeux portent jusqu’à l’eau saphir et le caillou qu’est Bentenjima, la petite île portant une porte shinto et une pagode. Elle se détache sur les nuances de vert de l’île de Sensujima, immédiatement derrière. Superbe. Sans surprise, la petite pièce au sol couvert de tatami d’où admirer la vue a servi de point de rendez-vous pour des dignitaires étrangers comme pour des conspirateurs. Quitte à faire l’histoire, autant le faire avec une belle vue.

Comme point de rendez-vous, Tomonoura était parfaitement situé, avec des courants refluant dans toutes les directions et permettant de rejoindre les différents sièges du pouvoir.

Notre prochaine destination, la maison Ota, était célèbre pour son houmeishu, un mélange de shochu, l’alcool de riz, et d’herbes médicinales, réputé apporté la bonne santé. Sous la protection du seigneur local, l’atelier a tenu un monopole sur la production de cet élixir pendant toute la période Edo. Un succès commercial dont témoigne la grandeur de la maison, tout près de la jetée.

Étant l’une des résidences les mieux préservées de cette époque pour toute la région de Setouchi, la maison Ota est un festin d’histoire. Suffisamment élégante et sûre pour servir d’étapes aux seigneurs, elle était aussi un salon de thé réputé. Avec ses nombreuses pièces de tatami, pouvant être agrandies ou rétrécies d’un simple glissement de porte shoji, la maison était parfaite pour toutes les célébrations, les négociations, ou simplement une tasse de thé ou de houmeishu, en attendant la marée.

La maison Ota est le reflet de l’esthétique qui prévalait pendant la période Edo. Le souci du détail est partout méticuleux. Mon guide me souligne la finesse du parquet, ajusté de manière que les lignes du bois ne s’interrompent pas – comme si l’on marchait sur une unique planche géante. De la même manière, la douzaine de tatami sont sélectionnés selon des motifs spéciaux, et positionnés en continuité.

Nous visitons ensuite les aspects moins connus de la maison, comme le passage secret menant au deuxième niveau, pratique pour s’échapper rapidement en cas de menace. Vue la fréquentation changeante d’un port libre, la prudence était en fait de mise. La maison Ota était une affaire florissante, que ce soit comme producteur de houmeishu ou comme salon de thé – d’où d’importantes sommes d’argent à protéger. Mon guide me montre donc l’espace aménagé dans la voûte pour les biens précieux.

En marchant dans les rues étroites, d’autres découvertes nous attendent. Des temples, des sanctuaires et les ruines d’un château, et toujours autant de de bâtiments préservés permettant de se projeter dans la période Edo (1603-1868). Si la promenade est trop longue, Tomonoura possède aussi de nombreux salons de thé où recharger ses batteries.

Fasciné par ces rues inchangées, je suis désormais enclin à avoir une vue d’ensemble. Mon guide me suggère donc une visite au temple Ioji, dans la nature abondante de Ushiro Yama à l’ouest de la ville. Une courte montée nous y amène, me permettant de découvrir un temple adorable aux murs anciens et au toit de tuile, possédant une impressionnante cloche. Reprenant notre souffle, nous nous retournons pour enfin découvrir la vue sur la ville.

Alors que je commence à vanter les mérites du panorama, mon guide fait la grimace. « Nous ne sommes pas encore en haut, j’espère que vous avez encore un peu de réserve. » Le plus dur est encore à venir.

Nous montons lentement le sentier venteux qui quitte le temple et rejoignons le pavillon Taishiden. Mes doutes quant à une meilleure vue disparaissent aussitôt que je découvre le panorama final, un mariage équilibré de géographie et d’histoire. Parfait pour terminer de remplir ma carte mémoire.

Mon court séjour à Tomonoura m’a donné un bon aperçu d’un port de la période Edo, mais j’aimerais pour autant revenir et en découvrir plus. Il n’y a rien de tel qu’une ville qui a prospéré dans le secteur de l’attente, donc de la détente et des hébergements confortables, pour se relaxer parfaitement.

Texte de Steve Jarvis et photographies de Peter Chordas & Steve Jarvis

DESTINATION LIÉE

Hiroshima

Hiroshima est la ville centrale des régions de Chugoku. La préfecture de Hiroshima est dotée du Sanctuaire Itsukushima-jinja, avec son élégant portique torii se dressant dans la mer ; du Dôme de la bombe atomique qui transmet l’importance de la paix et de nombreuses autres attractions qui méritent le détour. Elle compte également des objets d’artisanat célèbres dans le monde entier, comme les pinceaux de Kumano.