Alimentation & Boisson

Okonomiyaki à Koshida Honten – La nourriture de cœur de Hiroshima

Okonomiyaki à Koshida Honten – La nourriture de cœur de Hiroshima

Au niveau de Hiroshima, la liste des incontournables est simple – visiter le mémorial de la Paix, découvrir Miyajima, et goûter à l’okonomiyaki. Ce mélange délicieux de nouilles, de choux et d’œufs, auxquels s’ajoute tout ce que vous pouvez imaginer, grillé et étalé comme une crêpe avant d’être relevé de sauce otafuku.

Grillés sous vos yeux, les okonomiyaki classiques de Koshida Honten sont incorporés de nouilles udon ou soba, à votre convenance, et d'une quantité de garnitures.

Bien que, de nos jours, le porc soit souvent associé à l'okonomiyaki, de nombreuses autres options sont disponibles au menu.

L'intérieur cozy de Koshida est parfait pour un dîner tranquille.

D'une main expérimentée, Naoki Shimoji applique la sauce spéciale qui est la base de l'okonomiyaki.

À Koshida, vous mangerez de façon traditionnelle l'okonomiyaki – immédiatement sur le grill avec une petite spatule.

Délicieux jusqu'à la dernière bouchée.

Naoki Shimoji (à gauche) et Kenjiro Narita (à droite) brandissent leurs spatules.

« Venez pour la bombe A, et restez pour la nourriture », comme je m’amuse souvent à dire.

Mais c’est là que commence la partie la plus compliquée – comment trouver le bon endroit pour déguster le plat savoureux ? Plus de 2000 enseignes servent l’okonomiyaki dans la préfecture de Hiroshima, d’où une approche qui peut être difficile.

Cependant, si vous voulez vraiment une expérience du plat qui soit aussi riche en histoire qu’en saveur, vous ne pouvez pas trouver mieux que Koshida, en plein centre-ville de Hiroshima. Que ce soit grâce à leurs heures d’ouverture élargies – jusqu’à trois heures du matin ! –, les commentaires positifs unanimes, ou encore avec cette location idéale, un repas à Koshida peut s’intercaler dans presque n’importe quel programme. Ouvert depuis 1957, le lieu peut aussi se vanter d’une histoire quasi aussi ancienne que celle de l’okonomiyaki.

« Il est difficile de bien dater l’origine de l’okonomiyaki dans sa déclinaison de Hiroshima », reprend Naoki Shimoji, qui officie derrière l’immense grill teppanyaki qui occupe toute une longueur de Koshida. « Mais elle se trouve certainement dans un plat d’avant-guerre appelé isenyoushoku. »

À l’origine, une crêpe cuisinée avec des oignons, des crevettes et une sauce savoureuse, l’isenyoushoku, ou « nourriture occidentale à dix centimes » a commencé comme un en-cas servi par les boutiques de desserts. Mais, à cause des difficultés de la guerre, ces mêmes boutiques ont assez rapidement laissé tomber les sucreries pour se concentrer sur l’isenyoushoku – cela a été le cas à Koshida.

Et dans le même temps, les cuisiniers tentaient de préparer des plats le plus consistant possible mais à petits prix – un choix qui impliqua le recours à d’énormes quantités de choux. Puis, avec la fin des ruptures d’approvisionnement, aux nouilles et finalement aux œufs.

« Immédiatement après-guerre, les nouilles étaient rares, détaille Shimoji. Et les œufs étaient excessivement chers. Mais une fois de temps en temps, un client arrivait avec son propre œuf et demandait au cuisinier de l’incorporer à l’isenyoushoku. »

Mais le moment exact où le terme isenyoushoku a été assimilé à celui d’okonomiyaki restera dur à définir clairement. Cependant, le nouveau nom – qui signifie littéralement « grillé comme vous l’aimez » –peut certainement être une conséquence de cette situation, avec des clients amenant les ingrédients qu’ils souhaitaient voir incorporer dans leurs plats.

Assis devant le grill avec mon ami, nous faisons notre choix sur le menu de Koshida, en anglais. Aujourd’hui, plus besoin d’amener ses propres ingrédients. Ainsi, avant que nous le réalisions vraiment, un tas de chou, de germes de soja et d’oignons jeunes formaient déjà la base d’une pâte étalée sous nos yeux.

Shimoji retourne ensuite l’ensemble, le côté crêpe au-dessus, et ajoute une montagne de nouilles sur le tout. Puis viennent la sauce, les légumes, et un couvercle de crêpe sur laquelle est cassée l’œuf – avant que Shimoji ne réassemble l’okonomiyaki en devenir. Puis, avec deux spatules et un mouvement habile, il retourne l’ensemble avant de l’asperger de sauce, de lamelles d’algues et d’oignons jeunes.

Une montagne qui n’est destinée qu’à mon ami.

Mon plat subit le même traitement, mais avec en plus du fromage, de la mayonnaise et du maïs. Kenjiro Narita, l’autre cuisinier, commençant par former un cœur de maïs directement sur le grill.

« C’est parce que je cuisine avec amour ! », s’amuse le chef. Puis il le balaie habilement, ajoute une couche de nouilles udon, et continue d’ajuster les étages d’ingrédients sur le grill avec agilité.

Koshida a acheté les trois grills qui forment leur comptoir teppanyaki il y a respectivement 15, 30 et 60 ans. Le fait que le grill original – acheté quand la fondatrice, la défunte Asako Koshida (appelée affectueusement « Grand-mère » par Shimoji et Narita) a monté l’affaire – soit encore utilisé est une source de fierté pour les cuisiniers.

De façon intéressante, beaucoup d’anciens restaurants d’okonomiyaki de Hiroshima sont nommés d’après le nom de leurs fondatrices, qui ont ouvert seules leurs enseignes pendant la guerre et immédiatement après. Quand leurs maris étaient partis au front, ou n’avaient pas réussi à en revenir.

« Nous pouvons encore utiliser ce grill trois générations plus tard car chaque cuisinier s’en est occupé quotidiennement avec soin pendant les 60 dernières années », vante Shimoji.

D’une épaisseur d’à peine 9 mm, l’ancêtre témoigne d’un temps où même les métaux les plus simples étaient rares. Et le grill le plus moderne, épais de 19 mm, qui le voisine désormais, a même certainement coûté bien moins cher que son aïeul.

« Étant donné sa faible épaisseur, l’ancien grill se déforme un peu vers le haut quand il est chaud », décrit Shimoji. En me penchant au niveau du comptoir, je peux effectivement voir que la surface chaude forme une arche subtile. « Le grill plus épais ne le fait pas. »

Les différentes épaisseurs ont aussi une influence sur la manière dont les trois grills supportent et délivrent la chaleur – mais ce n’est pas la seule variable. La cuisson varie aussi avec les saisons.

« En hiver, le chou est plus dense et doit être cuit plus longtemps, détaille Narita. Mais au printemps, il est gorgé d’eau et cuit super vite. »

En conséquence, les cuisiniers de Koshida doivent bien avoir en tête les conditions climatiques, et constamment réfléchir aux effets qu’elles auront sur les ingrédients utilisés.

« Croyez-le ou non, mais je peux vous donner le temps de cuisson juste en touchant le chou », s’amuse Narita en attrapant justement une poignée de lamelles de chou. Il interrompt son mouvement et remet le chou dans son plateau avant d’ajouter : « Je ne veux pas me vanter, mais je ne veux pas que les gens pensent que mon seul talent est de faire des cœurs de maïs ! »

Nous rigolons de son trait d’humour, avant de le prendre à nouveau au sérieux à la première bouchée – nos okonomiyaki sont littéralement parfaits, révélant un niveau de techniques et d’attention, peut-être bien d’amour, qui nous satisfait à un niveau viscéral. Ce qui explique aussi pourquoi Koshida voit se former une telle file d’attente devant ses portes tous les soirs.

« Avant que TripAdvisor n’existe, quand les gens se présentaient et découvraient l’attente, beaucoup décidaient de partir, raconte Shimoji. Mais maintenant, ils ont souvent lu en avance les commentaires, savent à quoi s’attendre et son prêt à rester debout une heure ou plus. »

Effectivement, alors que nous finissons de nous délecter, l’intégralité du comptoir est occupée.

Nous remercions finalement les cuisiniers, puis repassons sous les noren pendant devant les portes pour retrouver les rues de Hiroshima. Derrière nous, les clients bavardent par-dessus l’antique grill, dont la surface brille des saveurs de l’okonomiyaki – comme elle le fait depuis 60 ans.

Pour servir une tranche d’histoire, cuisinée avec amour.

Texte et photographies de Peter Chordas

DESTINATION LIÉE

Hiroshima

Hiroshima est la ville centrale des régions de Chugoku. La préfecture de Hiroshima est dotée du Sanctuaire Itsukushima-jinja, avec son élégant portique torii se dressant dans la mer ; du Dôme de la bombe atomique qui transmet l’importance de la paix et de nombreuses autres attractions qui méritent le détour. Elle compte également des objets d’artisanat célèbres dans le monde entier, comme les pinceaux de Kumano.