Histoire

Le pont Kintaikyo d'Iwakuni – Architecture féodale remarquable

Le pont Kintaikyo d'Iwakuni – Architecture féodale remarquable

Quand vous poserez pour la première fois les yeux sur le pont Kintaikyo d’Iwakuni, après un rapide trajet en bus depuis Hiroshima, vous penserez peut-être que quelque chose ne colle pas.

Je veux dire, sérieusement. Qu’est-ce qu’un pont aussi fantastique, d’une architecture si fine, fait ici, sur l’ancien domaine d’un inaka daimyo, un petit seigneur campagnard ?

Ce qui m’a décidé à essayer d’en savoir plus.

En fait, peu de temps après que le seigneur Hiroe Kikkawa ait terminé le château d’Iwakuni en 1608, il décida de construire rapidement un pont. Afin de connecter sa nouvelle résidence à l’autre rive de la rivière en contrebas. Malgré des plans solides, le premier pont construit ne l’était pas vraiment, et des inondations l’emportèrent rapidement. Une seconde structure subit le même sort. Puis une troisième…

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Dominant le pont, à flanc de montagne, se trouve le château d'Iwakuni.

Le scénario se répéta encore quelques temps, jusqu’à ce que Hiroyoshi Kikkawa, l’héritier du domaine, ne se décida à bâtir un pont qui tienne véritablement la route. Une nouvelle construction commença donc en 1673, cette fois avec des piliers de pierre en lieu et place des piliers de bois. Ce pont, à l’épreuve des débordements de la rivière, se révéla fort beau, résistant et terriblement cher – un problème puisqu’il fut finalement emporté par les eaux, lui aussi, l’année suivante.

(Sérieusement, les courants des crues sont assez intenses dans le coin.)

Le seigneur Kikkawa ordonna ensuite à ses vassaux constructeurs de ponts, de finalement prendre le problème au sérieux. Comme nécessité est mère d’invention, ils redessinèrent alors l’ensemble de la structure et ses piliers de pierre. Afin d’être sûr que le pont résiste cette fois au courant de la rivière en crue. Pour l’entretenir, le seigneur créa une nouvelle taxe spéciale, pour financer la rénovation régulière de chaque section du pont.

Le pont qui fut alors construit, classé Site national au panorama remarquable en 1922, combine des innovations multiples qui le classe définitivement à part dans l’architecture féodale japonaise. Pour commencer, les arcs du pont, un peu comme utilisées dans l’architecture romaine, se servent de la gravité pour augmenter leur résistance à la charge.

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Les cinq arches du pont Kintaikyo tiennent grâce à la gravité.

De plus, le Kintaikyo utilise six différents types de bois japonais, chacun choisi pour ses propriétés particulières. Et malgré le fait que plusieurs légendes le présentent comme un pont « sans aucun clou », il utilise en fait différentes techniques de charpenterie, certaines basées sur divers assemblages de pièces de bois, effectivement sans clou, et certaines utilisant des clous spécialement forgés pour le pont.

Le pont commandé par le seigneur Kikkawa resta debout pendant 276 ans, jusqu’à ce qu’il s’effondre avec l’usure naturelle et la négligence humaine au milieu du XXe siècle.

En effet, à la suite de la Seconde guerre mondiale, le Kintaikyo était en mauvais état – ce qui s’explique logiquement par les privations du temps de la guerre, l’entretien du vieux pont n’étant pas une priorité. De plus, les forces américaines d’occupation ont utilisé, après-Guerre, une quantité importante de gravier extrait du lit de la rivière Nishiki, pour construire la piste d’une base aérienne voisine. Une extraction qui contribua à l’affaiblissement de la structure. Le Kintaikyo s’effondra alors avec le passage du typhon Kijia, en 1950.

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Le dessous des arches est un superbe entremêlement de charpente.

La reconstruction du pont Kintaikyo, trois ans plus tard, lui permis de retrouver sa beauté passée, tout en le renforçant. Cachées au cœur des piliers de pierre, ce sont désormais des colonnes de béton et d’acier qui lui permettent de résister aux crues de la rivière.

Avec sa silhouette renforcée mais inchangée, le Kintaikyo est devenu une destination touristique idéale à toute saison. Au printemps, plus de 3000 cerisiers habillent les berges de nombreux nuages roses ; en été, le ciel bleu immense se reflète dans les eaux claires ; puis le rougeoiement des érables attire les visiteurs à l’automne ; avant que la neige ne lui donne un nouveau manteau blanc en hiver.

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Depuis le haut des arches du pont Kintaikyo, la vue est à couper le souffle.

Traverser le Kintaikyo en empruntant ses arcs vallonnés provoque une agréable sensation de marcher dans l’histoire, à chaque pas. Surtout en se remémorant toutes les destructions et reconstructions qu’il a subi au fil des siècles – ce qui rend finalement humble.

Mais ma visite du pont m’a aussi permis d’apprendre que le Kintaikyo n’est pas la seule raison de visiter Iwakuni.

Un peu paresseux après la balade, je décidais de me réfugier dans un restaurant de la rive est – un établissement nommé Hirasei. Un bon choix, car leur carte possédait les Iwakunizushi (Iwakuni Sushi), une déclinaison locale et compactée de sushis.

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Iwakuni Sushi, une spécialité locale qui fait la réputation de Hirasei.

Créés à partir de couches successives de riz, de poisson, d’œuf en lamelle et de légumes, le tout compressé dans une boîte de bois à l’aide de pierre (ou même directement grâce au poids du chef debout sur la structure), chaque portion colorée d’Iwakunizushi respire un air de fête.

Avec une salle à l’étage possédant une vue directe sur le pont, Hirasei est un arrêt idéal pour rassasier ses yeux en même temps que son palais.

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Le pont Kintaikyo vu depuis l'étage du restaurant de sushi Hirasei, à Iwakuni.

Une dégustation qui se révéla être la conclusion parfaite de ma visite dans les environs – ainsi qu’une délicieuse manière de refermer ce chapitre moins connu de l’histoire du Japon.

Texte et photographies de Peter Chordas

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