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Les ponts de lianes de la vallée d’Iya – 800 ans d’histoire

Les ponts de lianes de la vallée d’Iya – 800 ans d’histoire

« Tooi inaka ! » laisse échapper l’homme à côté de moi dans le bus venant d’Osaka lorsque je lui révèle ma destination. Même pour ce Japonais qui se rend dans le Shikoku, la plus petite des quatre îles principales du Japon, la vallée d’Iya reste tooi inaka, c’est-à-dire la campagne profonde.

Aussi magnifique qu’isolée, la vallée d’Iya offre un puissant contraste avec Tokyo et ses allures parfois futuristes faites de néons colorés ; et même avec Kyoto et sa beauté traditionnelle composée de sanctuaires et temples. Non, le véritable Japon de l’intérieur se trouve dans la partie ouest de la préfecture de Tokushima.

Les charmes de cette vallée cachée résident dans sa nature préservée, sa quantité d’onsen et ses montagnes escarpées qui créent un paysage vertigineux de gorges plongeant tout droit dans le bleu turquoise scintillant de la rivière Yoshino. La vallée d’Iya est divisée en deux parties. La partie ouest (Nishi-Iya) est celle qui est la plus accessible et un peu plus développée, en comparaison avec la partie est (Higashi-Iya), plus connue comme le cœur d’Iya (Oku-Iya).

Le fait que cette zone soit encore l’une des moins explorées du Japon est la raison qui m’a poussée à m’y aventurer. Dans ma liste de choses à faire dans le Shikoku, les ponts de liane de la vallée Iya étaient d’ailleurs en bonne place. Des treize ponts originaux qui traversaient la vallée à l’époque, seuls trois sont encore en place, entretenus pour l’accueil au public. Parmi eux se trouvent le Iya Kazurabashi, le plus grand et le plus connu, puis les deux ponts suspendus Oku Iya Niju-Kazurabashi, souvent appelées les ponts mariés.

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Les visiteurs matinaux se pressent pour découvrir le plus grand et populaire des ponts de liane, Iya Kazurabashi.

De bon matin, je me rendus au pont le plus accessible des trois, le Iya Kazurabashi, situé dans la partie ouest de la vallée. Du fait de sa proximité avec la ville voisine, il vaut mieux y aller assez tôt pour profiter du pont sans la foule.

Avec ses 45 mètres de longueur au-dessus de la rivière Iya, au centre de la vallée, le pont de bois et vigne – notamment grâce à l’Actinidia arguta, une plante grimpante plus connue comme le kiwaï ou le kiwi de Sibérie que l’on trouve principalement en Asie – s’intègre parfaitement bien dans le paysage. Cette plante vivace s’enroule bien autour d’une armature en acier, complément contemporain à la structure du pont qui permet une sécurité supplémentaire.

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Le kiwaï, cette plante grimpante native de pays asiatiques comme le Japon, permet au pont d’avoir un style bien à part et de dissimuler les supports métalliques de sécurité.

Tous les trois ans, le pont dans sa version actuelle subit une rénovation complète, pour faire face aussi aux nombreux visiteurs qui le traversent chaque année. Les artisans originels n’étaient rien de moins que samouraï en fuite du clan Taira (ou Heike), qui se battaient auparavant, au XIIe siècle, contre le clan Minamoto (Genji). Ce conflit fut par la suite connu comme la guerre Genpei, et racontée dans l’œuvre de littérature classique japonaise Heike Monogatari. Après la défaite du clan Taira par les Minamoto, certains des vaincus s’enfuirent donc dans la vallée isolée Iya, sans jamais réussir à regagner leur pouvoir. Leurs descendants ont vécu jusqu’à aujourd’hui dans cette vallée.

Invoquant le guerrier samouraï qui est en moi, je commençais à mon tour la traversée du pont grinçant et craquant légèrement à l’accueil de son premier visiteur de la journée. Je ne pus m’empêcher de remarquer les larges espaces entre les planches, d’environ 20 cm, offrant une vue plongeante et dégagée sur la rivière Iya, quinze mètres plus bas. « Ne regarde pas en bas, murmurais-je à moi-même mais déjà le pont se mit à balancer et trembler sous les pas de nouveaux visiteurs entamant leur traversée à ma suite. Me hâtant de terminer ma propre traversée je réalisais à quel point ce pont devait être un formidable moyen de défense il y a 800 ans. En effet, selon les légendes, si les membres du clan Taira décidèrent de fabriquer ces ponts en lianes, c’était bien pour qu’ils puissent aisément les couper et ainsi échapper à leurs poursuivants du clan Minamoto.

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Pour contrer les écarts importants entre les planches de bois et le balancement du pont qui peut inquiéter, il vaut mieux avoir la démarche assurée et faire attention d’avancer lentement tout en profitant de la vue.

Ma prochaine destination m’emmena plus profond encore dans la vallée. Les ponts Oku Iya Niju-Kazurabashi, aussi appelés les ponts mariés, sont à une heure de route depuis le Iya Kazurabashi. Une route très dépaysante à parcourir, bien que pas de tout repos avec ses nombreux virages et épingles au cœur de la vallée. Le pont mâle (Obashi) est suspendu plus haut que sa version féminine. Il est le plus long des deux avec 44 mètres contre 22 pour le pont femelle (Mebashi).

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Le pont femelle (Mebashi) mesure 22 mètres de long et est située juste à côté du pont mâle (Obashi) qui, lui, est long de 44 mètres.

À découvrir aussi, entre les ponts mari et femme, un petit dernier. Yaen, ou le pont du singe sauvage est suspendu à quelques mètres seulement du pont femelle. Ce pont est plutôt une sorte de téléphérique manuel, utilisé pour transporter divers biens et aussi des personnes. C’est d’ailleurs l’un des derniers lieux au Japon où vous pourrez vous essayer à ce type de plate-forme tiré à la main.

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Yaen, le pont du singe sauvage est un téléphérique manuel dans lequel il faut se tirer à la force de ses bras.

Ce que j’ai choisi de faire ! Pour déjà monter à bord du petit cube de bois, il a fallu que je me stabilise le plus possible. Finalement malgré le fait que le cadre de bois du véhicule ne faisait que se balancer d’un côté et de l’autre, j’ai réussi à grimper à bord pour finalement m’y établir les jambes croisées. Une fois installé je commence alors à me tirer au-dessus du vide et de l’eau. J’ai le droit à une vue spectaculaire sur les deux ponts mariés, une vue qui ne peut être vue que de l’endroit où je suis, du moins si l’on veut rester au sec. Terminant de me hisser jusqu’à la fin de la traversée je me réjouis secrètement qu’on ne soit pas 800 ans en arrière, là où cet exercice physique devait sans doute faire partie du quotidien de beaucoup.

Bien que les ponts de la vallée d’Iya soient un point d’intérêt majeur du coin, d’autres spots sont aussi à découvrir. M’extirpant du téléphérique à bras plutôt remuant, j’ai déjà hâte de partir pour une nouvelle découverte dans ce lieu fascinant. Me sentant chanceux d’avoir pu entrevoir un Japon finalement méconnu et que peu ont l’occasion de voir.

Texte et photographies de Jason Haidar

DESTINATION LIÉE

Tokushima

Elle a de nombreuses ressources touristiques dont le Détroit de Naruto, un des plus grands courants avec tourbillons du monde et la Vallée d’Iya, qui séduit tous ceux qui découvrent son extraordinaire paysage naturel. Le Festival de Danse Awa, qui attire 1,3 millions de touristes, est à ne pas manquer.

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