Histoire

Hagi – Véritable musée en plein air de l'entrée du Japon dans l'ère moderne

Hagi – Véritable musée en plein air de l'entrée du Japon dans l'ère moderne

Peu de doute sur ce point. Le passage du Japon comme société féodale à celui d’un monde hyper moderne constitue une transformation incroyable. Comme beaucoup, j’étais au courant des grandes lignes de cette histoire – rébellions de samouraïs, voyages d’études en Europe, et ainsi de suite – mais je n’avais jamais vraiment visité de site qui y soit lié.

L'allure modeste de l'académie Shokasonjuku est sans commune mesure avec l'impact qu'elle a eu sur l'histoire du Japon.

La salle de classe principale de l'académie Shokasonjuku.

Le four à réverbère de Hagi a été construit pour forger les canons et les rails, au tout début de la modernisation japonaise.

Bien que le château de Hagi n'ait pas survécu à l'ère moderne, sa présence marque encore la ville.

Les systèmes de défense anti-ninja sont nombreux dans ces rues

Les murs blancs au design si particulier permettent de se projeter plusieurs siècles en arrière.

Alors, lorsqu’on m’a finalement proposé de visiter Hagi, dans la préfecture de Yamaguchi, j’ai saisi ma chance pour mieux comprendre l’ère Meiji.

La petite ville est extrêmement importante dans la naissance du Japon moderne, et possède cinq sites classés au patrimoine culturel de l’Unesco sous l’appellation plutôt inhabituelle des « Sites de la révolution industrielle Meiji au Japon : sidérurgie, construction navale et extraction houillère ». Sous ce nom sont rassemblés 23 sites de tout l’archipel, liés à la modernisation rapide du pays.

Il y a donc de quoi faire, en visitant Hagi, à commencer par le quartier préservé de la ville-forte, où de nombreux bâtiments n’ont pas vraiment changé d’aspect depuis quelques centaines d’années. Viennent ensuite trois sites industriels majeurs remontant à l’aube de la modernisation japonaise. Puis, l’académie Shokasonjuku ferme le bal ; l’école ayant formé nombre de professeurs, d’industriels et de politiciens, qui deviendront de grands noms de l’histoire moderne du Japon.

J’avais déjà entendu parler du fondateur de Shokasonjuku, Shōin Yoshida, un philosophe de la fin de la période Edo (1603-1868), mais j’étais prêt à en découvrir bien plus en suivant mon guide.

L’éducation offerte par Yoshida dans sa salle de classe était déjà révolutionnaire pour une raison, car elle acceptait tous les élèves volontaires ; là où la norme était celle d’une éducation difficile d’accès. Certainement pour la même raison, l’école se trouve dans un bâtiment très simple, d’un niveau et de deux salles seulement.

Mon guide m’explique ensuite que Shōin Yoshida a eu un impact inestimable sur le futur de la nation, bien qu’il se soit éteint très tôt, à 29 ans. Yoshida a formé une génération d’élèves qui transformera ensuite radicalement le Japon, les poussant à réfléchir à leur place dans le monde très changeant du XIXe.

Le professeur planta ainsi les graines de la curiosité dans l’esprit de ses élèves, parmi lesquels cinq, en défiant ainsi les autorités japonaises, s’échapperont pour Londres afin de poursuivre leur éducation. À leur arrivée, le groupe de jeunes hommes, aujourd’hui surnommés les cinq Chōshū, furent choqués de découvrir à quel point leur pays était en retard technologique par rapport au monde extérieur.

Les jeunes samouraïs étudièrent alors passionnément, rapportant ensuite au Japon des connaissances qui auront un impact énorme sur les transformations politiques et industrielles de la restauration de Meiji. Parmi eux, Hirobumi Itō deviendra le premier premier ministre du pays, pendant que Masaru Inoue jouera un rôle déterminant dans le développement des chemins de fer japonais.

Après l’école, en suivant mon guide, je me retrouve devant ce qui m’apparaît être une simple cheminée. Mais la colonne est en fait une petite révolution en soi, ayant marqué une avancée significative dans le domaine de la fonte. Ce qui a permis au Japon vulnérable de produire des canons, et des rails pour connecter le pays. Les restes du four à réverbère de Hagi se dressent non loin d’une petite voie ferrée.

Notre destination suivante est le chantier naval d’Ebisugahana pour découvrir le lieu où le Japon est devenu une puissance maritime. Debout sur la grande jetée de pierre, je peux voir Hagi qui se distingue comme la ville qui a connecté le pays et le monde qui se trouvait au-delà de la mer.

L’une des raisons qui explique l’influence de sa ville est sa location, au centre de l’ère de puissance du clan Chōshū, avant que la région ne prenne le nom de Yamaguchi. Mais le château de Hagi n’existe plus désormais, détruit en même temps que la plupart des symboles de la puissance féodale, au début de l’ère Meiji. À sa place, le tranquille parc Shizuki, devenu un lieu réputé pour ses cerisiers en fleur, est à son tour entouré d’un fossé protecteur.

La ville-forte a été capitale culturelle et centre du pouvoir pendant 260 ans, à partie de 1600. De façon amusante, l’architecte du côté de la rue classée par l’Unesco est différent de celui qui n’est pas protégé. L’artère où passaient les seigneurs locaux ne possèdent que des fenêtres basses, pour éviter de regarder d’en haut ces dirigeants féodaux. Et les toits possèdent toujours des picots pour repousser les ninjas.

L’ensemble a traversé les siècles sans encombre, ce qui rend la promenade dans la petite cité aux murs blancs très agréable. Comme un voyage dans le temps. Si vous avez le temps, je vous conseille définitivement d’entrer dans les maisons converties en musée, pour découvrir ce Japon d’antan, immédiatement avant que l’ère moderne ne soit importée.

Texte et photographies de Julian Littler

DESTINATION LIÉE

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Hiroshima est la ville centrale des régions de Chugoku. La préfecture de Hiroshima est dotée du Sanctuaire Itsukushima-jinja, avec son élégant portique torii se dressant dans la mer ; du Dôme de la bombe atomique qui transmet l’importance de la paix et de nombreuses autres attractions qui méritent le détour. Elle compte également des objets d’artisanat célèbres dans le monde entier, comme les pinceaux de Kumano.